La propriété foncière agricole responsable
Fort du chemin parcouru par Terre de Liens depuis plus de quinze ans, de notre expérience en tant que propriétaire-bailleur, des enseignements issus de l’accompagnement à l’installation et la transmission de fermes, nous avons souhaité partager nos connaissances à travers la production du guide de la propriété foncière agricole responsable. Ce guide est également mû par un sentiment d’urgence : celui de sensibiliser les propriétaires privés, et outiller ceux qui, de plus en plus nombreux, sollicitent Terre de Liens, généralement après avoir hérité d’un bien agricole et le plus souvent démunis lorsqu’il est question d’esquisser un projet de gestion ou de cession patrimoniale en cohérence avec leurs valeurs.
Ce guide est conçu comme un outil d’aide à la réflexion, pour ouvrir progressivement le champ des possibilités qui s’offre à un propriétaire privé au moment de céder ou de louer son bien agricole, selon sa situation personnelle et familiale.
Il est destiné aussi bien aux propriétaires de biens agricoles se questionnant sur l’orientation et l’usage de leur propriété qu’aux accompagnatrices et accompagnateurs de projets fonciers.
A travers ce dossier, vous avez accès au guide dans son intégralité mais aussi partie par partie. Vous pourrez également retrouver l'ensemble des ressources et témoignages mentionnés dans celui-ci.
Faire bon usage des terres agricoles : un enjeu clé pour nos sociétés
La terre agricole est une ressource unique. Elle est le lieu indispensable à la production de nos aliments. C’est le support d’un ensemble d’activités économiques et d’emplois, de pratiques et de représentations sociales. Elle est aussi le substrat de nombreux écosystèmes, que les pratiques agricoles peuvent protéger ou détruire.
Les terres agricoles sont au carrefour d’usages et d’intérêts multiples, parfois contradictoires. En cela, leurs usages sont au coeur de nos sociétés. Pour les agriculteurs, elles sont à la fois lieu de vie, patrimoine et outil de production, répondant à des logiques humaines et économiques parfois divergentes : développer des agricultures industrielles ou de proximité, produire des aliments ou des agrocarburants, agrandir sa ferme ou libérer au profit d’un nouvel agriculteur, etc.
Plus globalement, les terres agricoles sont une composante clé de l’aménagement du territoire, le lien entre populations urbaines et rurales, de nouvelles relations entre agriculteurs et consommateurs, de la qualité de vie et des paysages.
Depuis plusieurs décennies, les terres agricoles sont soumises à des pressions inédites. Pendant la même période, les régulations, publiques et privées, qui contribuaient à préserver les terres agricoles et à en faire bon usage se sont affaiblies ou sont devenues inadaptées. Il est désormais urgent de se mobiliser, à tous les niveaux, pour préserver les terres agricoles et les orienter au bénéfice d’une agriculture nourricière, créatrice d’emplois et d’activités rurales, porteuse de liens sociaux et protectrice des écosystèmes, des paysages et du climat.
Comprendre le potentiel agricole d'un bien
Tout propriétaire de bien agricole a un rôle clé à jouer pour permettre le développement d’un projet agricole sur leurs terres. La première étape est de bien comprendre les caractéristiques de son bien, afin de comprendre les usages agricoles auxquels il peut se prêter, mais aussi ses contraintes éventuelles. Un dialogue peut alors se nouer avec les agriculteurs intéressés pour déterminer l’adéquation entre leur projet et la ferme.
Orienter l'avenir d'un bien agricole
Les propriétaires de biens agricoles qui souhaitent orienter leurs usages à des fins sociales et environnementales doivent pour cela tenir compte des obligations légales qui régissent la gestion et le transfert de ces biens. Ils doivent également trouver un équilibre entre leurs envies, leurs besoins personnels et leurs engagements familiaux.
Une fois les options possibles déterminées, de nombreuses modalités s’ouvrent à eux pour réaliser leur choix : garder leur bien, le vendre, en préparer la transmission, le mettre au service d’un projet citoyen...
Louer un bien agricole : comprendre le bail rural et ses différentes possibilités
Un propriétaire qui ne souhaite pas exploiter lui-même son bien agricole mais désire le garder, peut le louer à un ou plusieurs agriculteurs. Si l’enjeu est d’abord de trouver des locataires dont le projet et les pratiques correspondent aux attentes du propriétaire, il sera tout aussi important de bien choisir le type de contrat de location et les conditions inscrites dans le contrat. La location de biens agricoles est en effet régie de manière spécifique par le Code rural et il existe une diversité de modalités de mise à bail, qui ont des implications différentes pour le propriétaire et pour l’agriculteur. Grâce à des développements juridiques récents, il est aujourd’hui possible, dans certains cas, d’intégrer des obligations environnementales.
Vendre pour favoriser des installations et l'agriculture biologique
Plusieurs raisons peuvent conduire un propriétaire à céder sa propriété : besoin financier, manque d’intérêt pour la gestion du bien, éloignement géographique, etc. Une fois décidé à vendre, le propriétaire peut choisir de vendre non pas au plus offrant, mais au « mieux disant », c’est-à-dire à un acheteur dont le projet et les pratiques correspondent à ses valeurs et aux finalités sociales et écologiques qu’il souhaite soutenir. Bien sûr, après la vente, il n’aura plus prise sur les usages et évolutions de son bien, mais le choix de l’acquéreur peut durablement orienter les usages et l’impact territorial de ses terres.
Comme le montrent les témoignages de cette partie, la vente d’un bien en une fois, dans son intégralité et auprès d’un seul acquéreur n’est pas toujours possible ou souhaitable pour favoriser des installations en agriculture biologique. Cela peut impliquer de baisser son prix de vente dans des secteurs géographiques à tendance spéculative, d’accepter de faire des travaux avant de vendre, d’échelonner le paiement, de vendre en plusieurs fois ou de combiner vente et location.
S'inscrire dans un projet collectif, solidaire et écologique pour préserver et partager les terres agricoles
Comment garantir la vocation agricole d’un bien au-delà d’une génération d’agriculteurs ? Comment en orienter l’usage et favoriser des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement ?
Au sein de Terre de Liens, nous nous sommes emparés de ces questions pour en faire le fondement de notre action.
Nous considérons que c’est par une action collective et citoyenne que vous pourrez, en tant que propriétaire, apporter ces garanties sur votre bien agricole. Quelles que soient vos motivations (lutter contre l’artificialisation des terres, redonner une vie agricole à une ferme…), un ensemble de statuts et d’organismes existent pour concrétiser votre projet de cession, en adéquation avec vos valeurs.
Un recueil de témoignages jalonne cette dernière partie : ils illustrent des choix forts de propriétaires qui, à travers la vente, le don ou le legs de leur bien agricole, ont transféré leur propriété pour faire de la terre un commun préservé et partagé.