Centre de Ressources

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Préserver et partager les terres agricoles
Récolte
Recueil d’initiatives foncières

Le pacte pastoral intercommunal des Cévennes (30)

Elaborer un droit négocié pour favoriser le pastoralisme
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Dans les Cévennes, les éleveurs se heurtent à des difficultés croissantes de circulation et de pâturage des troupeaux. Depuis 2012, ils élaborent avec les collectivités et des chercheurs un pacte pour revaloriser l’usage pastoral du territoire. L’adoption du pacte en 2015 par le conseil intercommunal lance une nouvelle dynamique de soutien à cette activité qui a jadis façonné le territoire.

Situation

Val-d'Aigoual
(30)

La communauté de communes « Causses Aigoual Cévennes Terres Solidaires » (CAC-TS), dans le Gard, regroupe 16 communes. L’identité de ce territoire de montagnes, de forêts et de vallées est ancrée dans le pastoralisme. En 2011, l’UNESCO classe les paysages culturels agro-pastoraux des Causses et Cévennes au patrimoine mondial. Pour préserver une tradition millénaire, qui façonne la nature, l’histoire et les relations sociales, il faut maintenir les pâturages, les chemins de transhumance (drailles) et restaurer les systèmes hydrauliques et les bergeries. Depuis longtemps, les pouvoirs publics mènent des actions pour revitaliser l’élevage, mais la gestion collective des ressources territoriales se heurte à l’expression des intérêts privés et à la propriété individuelle.

Automne 2012 : diagnostic territorial et identification de « blocages fonciers » par les éleveurs

Printemps 2013 : lancement du comité de pilotage du PPI

2014 : rédaction progressive du pacte (groupes de travail thématiques ; réunions publiques ; séminaire ; communication avec les propriétaires)

2015 : adoption du PPI par le conseil communautaire

2017 : recrutement d’un animateur

Prémices d’une action territoriale pro-pastorale

En 2012, des chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), UMR ESPACE-DEV, conduisent des entretiens auprès d’éleveurs cévenols. Les échanges mettent notamment en relief un problème central : l’accès aux pâturages et aux drailles. Pour remédier aux différents volets du « blocage foncier », scientifiques et agriculteurs décident de pousser la réflexion avec des élus. Ils envisagent la rédaction participative d’une charte pro-pastorale. Le but est de redonner aux acteurs locaux la liberté de s’approprier et de valoriser collectivement leur territoire, en dépassant les intérêts particuliers. En 2013, les éleveurs présentent l’idée au président de la communauté de communes, qui adhère à la démarche.

La co-construction du pacte pastoral des Cévennes

Le projet est lancé sous le nom de « pacte pastoral intercommunal » (PPI), pour se démarquer de la Charte du Parc National. Les éleveurs sont au cœur de ce nouvel outil de gestion du territoire. Un comité de pilotage est formé, et des groupes de travail abordent en 2014 des thèmes précis (urbanisme, servitude pastorale, drailles, biens vacants…). Puis, des réunions successives sollicitent le conseil communautaire, mais aussi Terre de Liens, la Safer, la Chambre d’agriculture, les acteurs de l’environnement, associations, citoyens, et d’autres usagers du territoire pour présenter et affiner la rédaction du pacte. Les principes fondamentaux se dessinent : remettre au premier plan la destination pastorale du territoire, affirmer le droit de passage et de broutage des troupeaux sur les terres non-closes, récupérer les terres abandonnées dites « sans maître » au profit du pastoralisme, et réhabiliter les chemins de transhumance.

Concrétisation et adoption du Pacte

Pendant deux ans, jusqu’à fin 2014, les échanges et réunions publiques améliorent le pacte et suscitent l’adhésion des citoyens et des élus locaux. Pour étayer la démarche sont réalisés un recueil des usages pastoraux et une cartographie « à dire d’acteurs » des pâturages concernés. Vis-à-vis des propriétaires, une animation (courriers, rencontres…) permet de positionner le pacte dans une logique d’adaptation à la propriété privée et non d’entrave à celle-ci. Vis-à-vis des éleveurs, le pacte est assorti d’obligations formalisées : particulièrement le respect des propriétés traversées et la surveillance des troupeaux. Après d’ultimes amendements, le pacte est soumis à la délibération du conseil communautaire, qui l’adopte à l’unanimité en mai 2015. Un comité d’appui pour la mise en œuvre du pacte pastoral intercommunal (CAPPI) est instauré. Il prévoit des actions ciblées. Des financements européens sont obtenus pour recruter un animateur.

Les éleveurs cévenols sont au cœur du PPI, en association avec de nombreux acteurs institutionnels, scientifiques et citoyens. A partir de 2016, il prend progressivement effet en s’intégrant dans les plan locaux d’urbanisme (PLU) par l’institution de zonages Ap (Agricole pastoral) et Np (Naturel pastoral) et d’une mention dans le plan d’aménagement de développement durable. La Safer inscrit la « présence de troupeaux » dans ses actes notariés de vente de terrains. Les échanges suscités par le PPI en font un véritable catalyseur de lien social. Il ravive des solidarités entre éleveurs (coalition pour sauver l’abattoir du Vigan, valorisation de la laine, etc.). Il rallie les acteurs locaux autour des bénéfices du pastoralisme : prévention des incendies, impacts positifs sur les sols et la biodiversité, dynamisation de l’économie agricole et touristique, démographie revitalisée par l’installation de jeunes, etc. Une animatrice est recrutée en 2017 pour épauler les acteurs du PPI.

« Le pacte induit un changement de paradigme : les acteurs font le pari d’atteindre leur objectif de pérenniser le pastoralisme par la volonté sociale et non par le seul réglementaire classique. Si la grande majorité des acteurs du territoire adhère au projet pastoral, alors la minorité restante « suivra » la dynamique sociale globale. »
- Chargée de mission, communauté de communes Causses Aigoual Cévennes « Terres Solidaires »
  • Les dynamiques d’entraide, anciennes en Causses Aigoual Cévennes et traduites par l’appellation « CAC - Terres Solidaires », favorisent l’émergence du pacte. 
  • Le pacte est acté par l’intercommunalité et devrait être pris en compte dans les politiques départementales et régionales, ce qui lui donne un vrai poids prescriptif.
  • Le dialogue territorial est le meilleur atout du PPI : la diffusion de savoirs sur le pastoralisme, l’interconnaissance des acteurs, l’adhésion à un projet commun, permettent de dépasser les clivages traditionnels (propriétaires, éleveurs, chasseurs…).
 
  • Le pacte ne s’applique pas au-delà de la communauté de communes : sa nature prescriptive est réduite à son seul territoire.
  • La mise en pratique du pacte nécessite un important travail d’animation et de communication auprès de tous les acteurs territoriaux, notamment les propriétaires.
  • La dimension écologique ne fait pas l’objet d’une inscription à part entière dans le pacte (pas de cahier des charges pour les éleveurs ou pour la gestion des ressources en eau, biodiversité…).
  • Des territoires voisins se disent intéressés par la démarche. L’animatrice recrutée pourra aider à sa diffusion sur d’autres intercommunalités.
 
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412
Oui
Animation foncière,Document d’urbanisme

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