Veille, acquisition foncière et procédure biens vacants à Paziols (11)
Une stratégie foncière communale pour la reconquête agricole
Devant le constat de déprise agricole, la municipalité de Paziols a engagé une démarche globale sur le foncier agricole pour remobiliser du foncier agricole en friches, dynamiser l’activité agricole en accompagnant la diversification et faciliter les installations et le maintien de l’agriculture. Pour cela, elle s’est entourée de la Chambre d’agriculture de l’Aude et la Safer Occitanie qui l’ont accompagnée en mobilisant des outils de veille foncière, animation, acquisition et revente ou mise à disposition de foncier communal.
Situation
La commune de Paziols est une commune rurale de 525 habitants située dans les Hautes Corbières, composée d’une zone de plaine à dominante viticole et de zones de garrigues, traversées par le Verdouble. Ce territoire connait depuis plusieurs années une déprise agricole consécutive aux crises ayant touché la viticulture. Par répercussion, la cave coopérative de Mont Tauch a aussi traversé des périodes délicates. Au vu des difficultés de maintien et transmission de surfaces agricoles et de la multiplication des parcelles abandonnées sur la commune, plusieurs projets ont été engagés mais n’ont pas abouti, que ce soit en matière d’accès à l’eau ou de remembrement partiel du foncier agricole. En plus de l’impact économique et social, cette déprise a des conséquences sur les enjeux paysagers et l’attractivité touristique du territoire (sentiers de randonnées et proximité des châteaux cathares…) ainsi que sur l’accroissement du risque incendie.
- 2021 : Rencontre d’un porteur de projet en élevage caprin, mise à disposition de foncier communal, travail avec le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) pour la lutte contre les feux.
- Fin 2021 : Prise de contact avec la chambre d’agriculture et la Safer.
- Début 2022 : mise en place de la veille foncière (Vigifoncier).
- Courant 2022 : enquête auprès des agriculteurs par la chambre d’agriculture pour évaluer leurs besoins sur la reconquête de friches. Recherche de financements pour l’accompagnement et proposition d’intégrer l’action d’appui aux communes dans le Projet Alimentaire Territorial (PAT) du Département.
- Fin 2022 : délibération en conseil municipal pour démarrer l’accompagnement PAT.
- 2023 : permanences de la chambre d’agriculture en mairie pour identifier les projets agricoles, travail de recensement et qualification des friches sur le terrain par la SAFER et la chambre d’agriculture, prospection des volontés des propriétaires et des opportunités, mise en relation offre et demande. En parallèle, des demandes d’agriculteurs pour l'acquisition de parcelles « Biens Vacants et Sans Maître » : 2 hectares de friches revendues à des viticulteurs et pour des jardins.
- Septembre 2023 : repérage via la veille foncière et action de préemption en révision de prix.
Les débuts du projet agricole : une nouvelle équipe municipale et une rencontre
En 2020, une nouvelle équipe municipale se met en place. Rapidement, elle constate la disparition de foncier agricole et s’inquiète de la transmission des exploitations agricoles. L’année suivante, dans ce contexte, un porteur de projet en élevage caprin sollicite la commune. La mairie de Paziols décide de soutenir son installation dans le village notamment en lui mettant à disposition du foncier communal. Dans le cadre de la lutte contre les feux, une stratégie pour entretenir les milieux est mise en place avec le service départemental d’incendie et de secours (SDIS).
Pour aller plus loin dans son engagement pour l’agriculture, la commune s’entoure d’acteurs agricoles
Fin 2021, la mairie contacte la Chambre d’agriculture pour partager la situation et connaître l’accompagnement possible, notamment sur la diversification des productions. Sur la partie foncier agricole, elle prend également contact avec la Safer pour une démarche de biens vacants et sans maître, qui active un dispositif de veille foncière (Vigifoncier). Ce dernier permet à la commune de se donner les moyens d’agir en faveur des agriculteurs alors qu’elle était auparavant passive et ne pouvait que constater la déprise et l’abandon des parcelles.
En 2022, le Projet Alimentaire Territorial (PAT) du Département finance l’accompagnement de communes sur la question foncière et agricole. La Chambre d’agriculture propose à la commune d’inscrire l’action dans le cadre du PAT, ce qui lui permettrait de bénéficier d’un accompagnement gratuit. Dans l’année, la Chambre d’agriculture commence par réaliser une enquête auprès des agriculteurs pour évaluer leurs besoins et intérêts sur la reconquête de friches. A la fin de l’année, le conseil municipal valide l’accompagnement dans le cadre du PAT.
Lancement opérationnel de la mobilisation de foncier agricole
En 2023, la Chambre d’agriculture fait des permanences en mairie pour identifier les projets agricoles locaux. Elle travaille conjointement avec la Safer pour recenser et qualifier les friches sur le terrain. Ce recensement des friches a porté sur 140 hectares dans la commune et a permis de caractériser 85 hectares de friches et vignes abandonnées, dont 40 hectares avec un intérêt agricole. Les propriétaires sont contactés pour connaître leurs intentions et pouvoir mettre en relation l’offre et la demande locales.
En parallèle, le repérage et l’intégration au patrimoine communal des biens vacants sans maîtres (BVSM) permettent de récupérer des terres en friches ou vignes abandonnées et de les mettre à disposition à des agriculteurs. Ainsi, 2 hectares de friches sont revendus à des viticulteurs et pour des jardins. En fin d’année, des parcelles repérées via la veille foncière, sont préemptées en révision de prix par la commune pour une acquisition.
- Veille foncière qui permet une meilleure vigilance sur les mouvements.
- 2 hectares de biens vacants en friche acquis et revendu à des viticulteurs et pour des jardins.
- 1 action de préemption en révision de prix engagée avec la Safer.
- 85 hectares de friches qualifiées dont 40 hectares d’intérêt pour les projets agricoles.
- Dynamique d’installation sur la commune : 6 projets d’installation ou de confortation d’activité nécessitant du foncier repérés.
- L’installation du chevrier a pu se concrétiser facilement car elle correspondait à une volonté de la commune, qui possède historiquement des surfaces importantes de garrigues (1600 ha sur 3000 ha de superficie). Il s’agissait donc d’une opportunité qui a coïncidé avec le souhait des élus de mettre à disposition ce foncier. Les bonnes relations avec l’éleveur dès le départ ont permis de démarrer un travail conjoint.
- L’approche globale visant à favoriser et accompagner les projets agricoles a constitué un terreau fertile pour de nouvelles installations, conjonction des volontés individuelles des agriculteurs et porteurs de projet et de la volonté de la commune.
- Le travail entre la mairie et les structures d’accompagnement a permis d’acquérir de nouveaux réflexes et une circulation des informations plus fluide. La mairie a pris un rôle actif dans le développement agricole et est partenaire de l’accompagnement et le suivi des projets.
- Au démarrage, une certaine méfiance des agriculteurs vis-à-vis de projets qui n’avaient pas abouti par le passé.
- Le manque de financements pour soutenir certains investissements ou plantations.
- Le temps que les choses se mettent en place : nécessité d’être résilient, de ne pas se décourager. Par exemple, la procédure BVSM prend du temps administrativement et a mis 2 ans à se concrétiser. Il faut composer avec un sentiment d’urgence et la lenteur de certaines démarches au vu de la multiplicité d’intervenants et d’interlocuteurs des communes (intercommunalité, PNR, Conservatoire des Espaces Naturels, etc….). Cette multiplicité d’acteurs peut constituer à la fois une richesse et un frein.
- Le foncier est en constante évolution donc l’état des lieux que l’on fait à un instant t n’est plus valable quelque temps après. Un référencement qui est dynamique, c’est une démarche au long cours qui doit être suivie, animée.
- Des réflexions toujours en cours sur le cas des vignes abandonnées et les leviers d’action à mobiliser allant de la sensibilisation à la négociation voire à la contrainte. Les raisons d’abandon pouvant être liées à des situations personnelles et sociales difficiles, cela demande une analyse au cas par cas.
La suite de cette action consiste à définir des secteurs prioritaires et établir une stratégie foncière. Une fois des parcelles repérées il faudra évaluer la faisabilité foncière par la prise de contact des propriétaires et l’intérêt agricole par une analyse agronomique, puis à procéder à l’animation foncière pour la mise en relation entre propriétaires et preneurs.
En parallèle, plusieurs installations récentes ou projets d’installations sont en cours et soutenus par la commune : en viticulture, diversification en arboriculture, cultures fourragères, élevage caprin avec transformation, élevage ovin, élevage de volailles, apiculture…
La démarche est reproductible dans la mesure où il y a du foncier communal et/ou un potentiel foncier à mobiliser, qui ne soit pas forcément des terres abandonnées mais aussi dans le cas de transmissions d’exploitations agricoles. L’approche globale adoptée par la commune offre des perspectives certaines, car elle permet de mobiliser un panel large d’outils pour acquérir, maîtriser ou gérer le foncier.