La politique de reconquête des friches de Nantes Métropole (44)
Une politique originale de développement agricole par la mobilisation de terres agricoles délaissées
Dès le début des années 2000, Nantes Métropole a engagé une politique volontariste de sanctuarisation de ses espaces agricoles et de remise en culture des terres laissées en friches. Ce programme s’est construit en partenariat avec les 24 communes de la Métropole et la Chambre d’agriculture. Il s’appuie sur la mise en place de groupes de travail à l’échelle des communes. Parallèlement, la création d'un groupe technique métropolitain pour l'installation agricole impliquant divers acteurs du secteur agricole a facilité l'établissement de porteurs de projets sur les terres en friche identifiées. La Métropole a aussi lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour recenser et accompagner les porteurs de projet d'installation agricole sur son territoire.
Situation
La métropole de Nantes (665 204 habitants) compte 24 communes aux profils variés (de très agricoles à très urbaines). Les surfaces agricoles couvrent 30% du territoire, avec une diversité de productions (maraîchage, élevage bovin – viande et lait, représentant 80% des surfaces –, et viticulture) ainsi qu'une part croissante de surfaces en agriculture biologique (25%). La croissance démographique soutenue (+1,4% entre 2014 et 2020) accentue la pression sur les terres agricoles. Certaines sont laissées à l’abandon par les propriétaires dans l’attente d’un futur classement possible en zone “à urbaniser”. Néanmoins, le Plan local d'urbanisme métropolitain (PLUm) a réaffirmé la préservation des espaces agricoles au cœur de ses priorités, contribuant à une stabilité des surfaces de production depuis 2010. Le bassin de consommation nantais attire de nombreux projets agricoles. Parallèlement, le diagnostic des friches, régulièrement mis à jour, identifie un potentiel de reconquête toujours important pour le développement d'un espace nourricier autour de la métropole.
1999 : signature d’un protocole départemental entre le District et la Chambre d’agriculture pour la stratégie de reconquête des friches agricoles à grande échelle.
2007-2009 : premier diagnostic friches
2010 : lancement des premières actions de défrichage et premières installations aidées
2013 : mise en place du PEAN
2016 : second diagnostic friches
2018 : lancement de l’AMI pour l’installation agricole
2020-2021 : troisième diagnostic friches
La mise en place d’une politique volontariste par la métropole de Nantes
La politique de reconquête des friches agricoles est formulée explicitement pour la première fois dans un protocole départemental signé entre la métropole de Nantes (à l’époque District) et la Chambre d’agriculture en décembre 1999. Il formalise une stratégie d’expansion des surfaces agricoles par la remise en culture de friches, en vue d’installer de nouveaux exploitants ou d’agrandir des exploitations préexistantes.
Puis en 2013, le département de Loire-Atlantique met en place un périmètre de protection d’espaces agricoles et naturels sur les vallées de l’Erdre, du Gèvre et du Cens (PEAN des trois vallées), qui sanctuarise 21 192 ha de terres agricoles sur neuf communes au nord de Nantes, dont trois se situent dans le périmètre métropolitain.
À partir de 2015, la métropole initie la mise en place du PLUm. Le plan adopté en 2019 préserve plus de 16 000 hectares de terres agricoles. De plus, l'action de remobilisation des friches se coordonne avec le Plan alimentaire territorial (PAT) adopté en octobre 2019.
La réalisation de diagnostics friches réactualisés tous les 5 ans
La Métropole appuie son travail sur des diagnostics agricoles réalisés tous les 5 ans (2000, 2004, 2011, 2016 et 2020), en partenariat avec la Chambre d'agriculture. En complément, un diagnostic des friches est régulièrement produit, permettant d'inventorier, localiser et suivre l'évolution des terres ayant perdu leur vocation agricole, mais présentant un potentiel de réhabilitation pour l'agriculture.
Le premier diagnostic à la parcelle conduit entre 2007 et 2009 a permis d’identifier 3700 ha de friches de moins de six ans, exploitables sur un plan technique après défrichage et 1500 ha occupés par de l’élevage équin de loisir sur de petites surfaces souvent en location.
Le dernier diagnostic produit en 2020 sur un périmètre de 26 640 hectares [en zone A et N du PLUm] a mis en évidence 41% des surfaces étudiées comme étant sans usage agricole. Le potentiel maximal théorique de remise en culture a été évalué à 4 000 ha dont 630 ha de friches récentes constituant un véritable gisement de reconquête. Il s'agit d'un potentiel maximal qui devra nécessiter des expertises de terrain sur l’accessibilité, l’eau, le potentiel agronomique et d’autres enjeux (biodiversité notamment).
Une démarche qui s’appuie sur des groupes locaux et de nombreux partenaires agricoles
Une fois les diagnostics réalisés, la métropole de Nantes s’appuie sur des groupes locaux, constitués à l’échelle d’une commune ou d’un site potentiel de reconquête pour définir les secteurs prioritaires. Ces groupes sont composés d’élus municipaux, d’agents de la commune et de Nantes Métropole, de la Chambre d’agriculture et parfois de producteurs. C’est avec eux qu’une stratégie d’approche des propriétaires est mise en place (identification, contacts, réunions).
Pour appuyer ces groupes locaux, une assistance technique portée par la Métropole et la Chambre d’agriculture a été mise en place ainsi qu’un groupe technique installation pour rechercher et sélectionner les porteurs de projets adaptés qui répondent à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI). Le groupe technique piloté par Nantes Métropole rassemble la CAPDL (Chambre d’agriculture Pays de la Loire), le GAB44 (Groupement d’agriculture biologique), Terre de Liens Pays de la Loire, Construire une Agriculture Paysanne, Performante et Plurielle (CAP44 - l’ADEAR de Loire-Atlantique) et la SAFER.
En parallèle et en complémentarité des actions portées par les collectivités, des démarches auprès des propriétaires sont également menées par des citoyens, en particulier l’association AIRES qui agit dans le sud de la métropole. Le démarchage des propriétaires permet d’aboutir à la constitution d’associations foncières agricoles pour faciliter la mise en location des terres et regrouper le foncier. Ces initiatives sont soutenues par les collectivités, à la fois financièrement et dans le montage, avec une participation de certaines communes propriétaires dans ces associations foncières.
Des aides financières directes pour réaliser les opérations concrètes
En plus de l'assistance technique, la Métropole offre des aides financières pour faciliter les investissements et installations potentiels, telles que des subventions pour le défrichage (couvrant 80 % des coûts, avec un plafonnement à 1920€ par hectare pour une exploitation existante et 2400€ par hectare pour une installation en 2023), un soutien au portage d’activité temporaire sur le foncier disponible (en cas d'absence d'agriculteur identifié, le foncier est géré temporairement par la société coopérative d’intérêt collectif [SCIC] Nord Nantes) et une aide à l'installation des porteurs de projets (financement jusqu‘à 25% des investissements, plafonnés à 15 000€).
- 45 sites défrichés depuis 2010 pour une surface de 230 ha, avec la mobilisation de 230 000 euros de subvention de Nantes Métropole.
- Consolidation d’exploitations et une dizaine de nouvelles installations (plutôt en maraîchage sur de petites surfaces)
- Changement d’état d’esprit des élus et de la population : prise de conscience que la présence d’une friche n’est plus obligatoirement synonyme d’urbanisation future.
- Une politique volontariste de long terme visant à sanctuariser et à remobiliser le foncier agricole, en complémentarité avec les actions du PAT.
- L’actualisation régulière du diagnostic friches (tous les 5 ans).
- La mise en place de groupes locaux avec l’implication systématique de chaque commune.
- Le soutien technique et financier apporté par la Métropole et la Chambre d’Agriculture.
- La démarche multipartenariale mise en place par la Métropole, notamment avec la création du groupe technique installation.
- Temps long de concrétisation (2-3 ans entre la validation du groupe local de travail sur un site et la réalisation des travaux) : risque de démotivation des propriétaires et d’essoufflement des groupes locaux.
- Changements dans les équipes animant le dispositif au sein de la Métropole : périodes de flottement.
- Évolution de la dynamique : les propriétaires les plus intéressés ayant déjà été mobilisés, il est maintenant plus compliqué de convaincre les propriétaires restants.
- De nouveaux objectifs en matière de défrichage sont en cours de définition sur la base du diagnostic actualisé.
- Une dynamique toujours active au sein des communes et une demande de foncier de la part de nouveaux porteurs de projets.
- La mobilisation d’outils complémentaires tels que le PEAN (un second PEAN en projet à Lore-Chézine), les associations foncières agricoles (AFA) et l’aménagement foncier agricole forestier et environnemental (AFAFE).
- La réflexion s’élargit pour mieux accompagner la transmission des fermes existantes, au sein des groupes locaux et du groupe technique installation.
- La mise en œuvre de la stratégie foncière agricole adoptée en 2023 pour fixer le cadre d’intervention de la Métropole et des communes, notamment sur l’acquisition.
Agir pour l'alimentation locale. "Les friches agricoles à Nantes métropole." Fiche expérience. https://agirpourlalimentationlocale.fr/fiches-experiences/les-friches-agricoles-a-nantes-metropole/
Monod, L. 2018. "Vers une transition agroécologique à l'échelle des territoires : l'exemple de Nantes métropole". Fian Belgique.
http://www.fian.be/IMG/pdf/pages_de_2018_fian_bts_interieur_web-2.pdf