L’association foncière agricole de la Lauze-Madeleine (34)
Regrouper des propriétaires pour favoriser la gestion du territoire par l’élevage extensif
Dans l’Hérault, le Conservatoire d’espaces naturels mène un projet de réintroduction de l’élevage extensif pour préserver et restaurer des garrigues. Avec le soutien de la commune de Fabrègues et de la société civile, le Conservatoire créé une association foncière agricole pour regrouper des propriétaires fonciers et favoriser l’installation d’éleveurs.
Situation
Les garrigues méditerranéennes de la Lauze et de la Madeleine, attenantes au Massif de la Gardiole, sont prisées pour les activités de randonnée, de chasse et de cueillette (asperges, champignons). Sur le Mont Bauzille, la chapelle Saint-Baudile a été restaurée pour les visiteurs. La zone abrite une importante biodiversité, mais certaines espèces florales, de reptiles et d’insectes sont menacées par la fermeture des pelouses sèches. La disparition des activités agro-pastorales a favorisé la colonisation des milieux par la broussaille et les friches, et le développement d’activités indésirables (prostitution, dépôts d’ordures). Par ailleurs, ces espaces naturels aux portes de Montpellier sont fragmentés par de grands projets d’aménagement : carrières Lafarge, circuit automobile, autoroute A9, réseau Aqua Domitia, ZAC, lotissements…
2012-2013: BRL et Vinci contactent le CEN pour la mise en œuvre de mesures compensatoires
Juillet 2015 : le conseil municipal de Fabrègues vote pour donner à l’AFA un mandat de gestion sur 120 ha
Janvier 2016 : assemblée générale de création de l’AFA
2016 : un appel à projet conduit à la sélection de deux éleveurs pour l’installation dans les garrigues de la Lauze-Madeleine
2016-2017 : de nouveaux terrains de compensation et des espaces de garrigues municipaux sont intégrés à l’AFA
Mise en œuvre de mesures compensatoires
À partir de 2013, BRL et Vinci, deux sociétés chargées des travaux d’extension du réseau hydraulique régional Aqua Domitia et du déplacement de l’autoroute A9, contactent le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) pour mettre en place des projets environnementaux compensant l’impact des aménagements. Le CEN envisage une solution pérenne d’entretien de l’espace : réintroduire l’élevage extensif. Le pâturage maintient les milieux ouverts durablement, avec un effet positif sur la biodiversité et la fertilité du sol. Il réclame de vastes espaces, mais l’addition des deux projets compensatoires permet au CEN d’obtenir la maitrise de plus de 160 ha de garrigues, de pelouses sèches, et de zones humides (125 ha pour Vinci, 40 ha pour BRL).
Création d’une association foncière agricole
La Safer pilote pour le CEN la maitrise d’importants îlots fonciers sur la commune de Fabrègues. Ils demeurent cependant fragmentés là où la vente ou mise à disposition de parcelles privées n’a pas abouti. Pour faciliter la circulation et le pâturage de troupeaux, le CEN veut créer une association foncière agricole (AFA) mandatée pour gérer les terres et signer des conventions avec des agriculteurs. La mairie de Fabrègues, un grand propriétaire foncier, est depuis le début du projet favorable à la revalorisation pastorale de la garrigue. Elle vote pour l’adhésion à l’AFA en 2015. En parallèle, la Safer et le CEN démarchent les propriétaires privés. En janvier 2016, une assemblée générale marque la création de l’AFA avec 60 propriétaires, dont le Conservatoire et la commune, pour un total de 365 ha. Le périmètre élargi potentiel de l’AFA est de 1700 ha, pour permettre l’agrandissement du dispositif par de nouvelles adhésions.
Installation de porteurs de projets agricoles
Un appel à projet est lancé en 2016 pour l’installation d’éleveurs. Sur 20 dossiers reçus, trois sont présélectionnés. Le comité technique (CEN, Chambre d’agriculture, Safer, Terre de Liens…) s’entretient avec les candidats pour évaluer la viabilité des projets et leur compatibilité avec les caractéristiques du périmètre (écologie, contexte périurbain…). Le choix se porte sur un éleveur viande et un couple d’éleveurs laitiers avec trois enfants. La cohabitation des troupeaux est viable : pour la production de viande, les brebis peuvent se contenter de brouter les végétaux durs en saison à faible besoin, laissant les herbes grasses aux ovins pour la production de lait sur un prélèvement en tri. L’éleveur viande prévoit de monter en estive mais le laitier, avec un troupeau plus restreint, restera à l’ombre des bois et en prairie humide l’été. En parallèle, le CEN lance des chantiers pour mettre en place et restaurer des équipements pastoraux nécessaires à l’installation des candidats (clôtures, lavognes, murets, drailles), qui servent également d’habitats pour les espèces naturelles.
L’AFA libre de la Lauze-Madeleine réunit un grand nombre de partenaires au service d’un projet de territoire. Sur 365 ha inclus dans l’AFA, le CEN en possède 60, acquis au titre des compensations. Environ 100 ha font l’objet de conventions de mise à disposition et d’une concession immobilière avec l’ONF. Le reste sont des parcelles privées et communales. Les zones de pâturage sont susceptibles de s’étendre sur les communes voisines de Villeneuve-les-Maguelone (terrains de compensation de la métropole de Montpellier) et Mireval (garrigues faisant l’objet d’un arrêté de biotope dans le Creux de la Miège). L’installation des éleveurs se heurte toutefois à des difficultés pratiques (qualité du logement, conflit d’usage de la garrigue) qui causent le départ du couple d’éleveurs laitiers en 2017. L’éleveur viande est en phase d’installation avec 50 brebis qu’il habitue au terrain. Les prochaines étapes clés pour l’installation sont en cours : réception d’un logement et d’une bergerie sur site.
1- de manière très pratique, mobiliser du foncier pastoral pour conforter le projet d’installation
2- disposer d’un outil d’animation territoriale. À l’origine, le projet est très écologique (compensation…). Avec l’AFA, nous avons pu lui donner une dimension plus territoriale autour de valeurs et d’intérêts partagés et ainsi mieux fédérer les acteurs et inscrire plus durablement notre projet écologique »
- La convergence d’intérêts entre le CEN, la commune, et la société civile, notamment autour du patrimoine socio-culturelle des garrigues, est la clé de voûte du projet d’AFA.
- L’AFA fonctionne sur le modèle « un propriétaire une voix », avec une voix de plus par hectare inclus dans le périmètre (jusqu’à 30 ha maximum). Ceci permet de concilier une gestion démocratique et le portage du projet par les grands propriétaires fonciers (commune et CEN).
- La proximité de la ville assure aux éleveurs des débouchés pour la commercialisation des produits.
- Le travail de compensation n’enlève en rien la destruction des milieux agricoles et naturels liée aux aménagements urbains.
- L’installation d’éleveurs nécessite l’apprentissage d’un ensemble de démarches qui vont au-delà des missions écologiques du CEN (logement familial, médiation entre éleveurs et autres usagers du territoire...)
- La réappropriation de l’usage pastoral des garrigues est difficile dans un site libre depuis 50 ans où des activités non contrôlés, non contraintes se sont installées.
- Il y a plusieurs pistes pour continuer d’accroitre les zones de pâturages. Notamment, un projet de pâturage complémentaire sur les prés salés de Villeneuve-les-Maguelone pourrait être relié à l’AFA, et la commune de Fabrègues possède un domaine agroécologique, le Domaine de Mirabeau, sur lequel des complémentarités vigne-troupeaux sont envisageables.
- Le CEN envisage de réhabiliter d’anciennes olivettes présentes sur le périmètre de l’AFA pour diversifier l’agriculture (l’oléiculture est aussi compatible avec le pâturage).
Conservatoire d’Espaces Naturels. Rapport d’activités. 2015. http://www.cenlr.org/sites/www.cenlr.org/files/documenst_communs/pdf/parutions/RA_2015_final_web3.pdf
Groupe Fabrègues Citoyenne. « Compte rendu du conseil municipal. », juillet 2015. http://www.fabregues.info/wp-content/uploads/2015/08/CM28-07-15.pdf